Bienvenue sur la page du livre "Du mal vivre au mieux-être". 

Vous y trouverez le contenu de l'ouvrage, depuis son début jusqu'au point de publication sur les réseaux sociaux. 

Si vous n'avez pas la patience d'attendre, vous pouvez vous le procurer en cliquant sur l'image suivante :

 

 

Préambule

« Les hommes souffrent et sont malheureux ».

Un jour, un empereur demande à son philosophe d’écrire une encyclopédie  contant l’histoire du monde. L’homme se met au travail et rédige une vingtaine de gros volumes qu’il offre à son souverain. Pris par les impératifs de la vie et de sa fonction, l’empereur ne trouve pas un moment disponible pour ouvrir même le premier ouvrage. Il demande une version résumée en un seul volume.

A nouveau, il ne trouve pas le temps nécessaire pour lire, et c’est sur son lit de mort qu’il fait venir son philosophe pour lui demander de résumer l’histoire du monde en une phrase.

Ce dernier énonce alors : « Les hommes souffrent et sont malheureux ».

(Tiré d’un conte bouddhiste).

Dans un précédent ouvrage^[1] , j’évoquais la recherche du bonheur comme moteur de l’évolution de l’être humain, dans une dynamique et selon des séquences similaires pour  l’individu et pour la société. La représentation occidentale, avec l’échelle des besoins de Maslow, comme celle plus orientale de la montée de kundalini le long de centres d’énergie appelés chakras, nous indiquent clairement des voies d’évolution que chacun a la possibilité de parcourir, dans une quête inépuisable. Chaque nouveau pas, chaque étape franchie, chaque prise de conscience résonnent comme des invitations à continuer le chemin.

Mais la vie n’est pas un long fleuve tranquille. Des épreuves en tout genre parsèment la route de défis à relever. Ils sont alors parfois l’occasion de grandes satisfactions pour les victoires, ou de frustrations et de douleurs, voire même, fréquemment, de souffrances, passagères ou chroniques pour d’autres situations. Nous sommes tous concernés, et notre attitude peut influencer grandement la qualité du voyage, le rendant plus pénible ou plus agréable, créant des raccourcis ou toute sorte d’impasse, accélérant ou ralentissant le rythme.

Notre positionnement mental constitue un élément majeur. Traverser une forêt hostile ou un désert, escalader une montagne ou sauter dans le vide, sont des activités qui peuvent être vécues extrêmement différemment selon l’approche psychologique, certains en faisant même un loisir là où d’autres redoutent ces difficultés ou cherchent à les éviter. Evitement qui, soit dit en passant, est de plus en plus facile aujourd’hui, tant nous avons aplani les obstacles que la vie mettait devant nos pas. Gravir une montée à vélo sous la contrainte entraîne de la souffrance pour le cycliste qui souhaiterait être en auto. Mais pour le cycliste sportif, monter même un col de montagne, en s’en faisant un objectif, devient une expérience enrichissante et pleine d’exaltation. Le célèbre film « la vie est belle »  romance l’histoire d’un enfant qui aurait vécu son séjour en camp de concentration comme une sorte de jeu organisé dans un centre de loisir, grâce à la vision que lui en a donné son père. Ce simple changement de référentiel a sauvé la vie de cet enfant, transformant en épreuve initiatique ce qui se situe pourtant bien au comble de l’horreur.

Transformer la vie en chemin initiatique, donner du sens aux épreuves, comme il est possible de métamorphoser un vélo de douleur en compagnon d’aventures sportives, voici un projet bien séduisant vers lequel nous allons essayer de nous diriger. Ne nous leurrons pas cependant. Cela ne peut pas se faire en un simple claquement de doigt. Pourtant, comme il s’agit essentiellement d’un changement de regard, il est plus accessible qu’il n’y paraît. Notre attirance pour les difficultés et les visions insurmontables des défis nous empêche parfois de voir des petits sentiers de traverse bien plus abordables. A chacun de trouver sa propre voie. Il n’en restera pas moins vrai qu’une simple modification de point de vue ne nous propulsera pas pour autant directement au bout du chemin. Pour chacun d’entre nous, le cheminement restera complet, et il faudra boire la coupe jusqu’à la lie.

A bien y réfléchir, nous sommes là pour cela, et nous avons le temps. La vie est longue et elle mérite d’être vécue le plus en conscience possible, de sorte que valider chaque instant peut ainsi se transformer en un enrichissement.

Pour se repérer durant un voyage, il est indispensable de savoir précisément se situer. Pour cela, nous commencerons par essayer d’établir un état des lieux sur certains aspects de notre société nous influençant fortement. A partir de là, nous continuerons à diagnostiquer des sources de mal-vivre et identifier des pistes menant à un mieux-être, jusqu’à proposer des clés qui puissent ouvrir des portes vers une qualité de vie nouvelle.

Comparons la vie à une photo en noir et blanc, dont le sombre représenterait ce qui est difficile, triste ou douloureux dans la vie, et le blanc ce qui apporte du plaisir. Nous avons souvent tendance à refuser ou rejeter ce qui est difficile, n’y voyant que contrainte et source de douleur. Pourtant, leur existence est indispensable. Ils sont comme le noir de la photographie. Il ne serait pas judicieux de chercher, comme on le fait souvent, à le supprimer. Cela donnerait alors une image blanche sans contenu. Vouloir aplanir les difficultés et éviter les expériences trop intenses, pour ne pas subir les contrecoups reviendrait à diminuer les contrastes, menant à une image toute grise et sans plus d’intérêt. Non, il serait plus sage de trouver le bon éclairage, le bon contraste et, pourquoi pas, de mettre de la couleur.

Plus la tristesse creuse profond dans votre être, plus s'ouvre en vous un espace pour la joie. Kalil Gibran

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Période de transition

Introduction

Martin est ébéniste, comme son père et son grand-père. Il travaille dur, du lundi au samedi et depuis le lever du jour jusqu’au coucher du soleil, lorsque ses yeux ne lui permettent plus de garantir la perfection de son geste. Car Martin est un perfectionniste. Son métier, c’est sa vie. Il en est fier et il le transmettra le mieux qu’il peut à son fils ainé, qui pourra ainsi perpétuer la tradition familiale.

Chaque dimanche, Martin se rend à la messe le matin, puis s’adonne à sa passion, la pêche. Cette activité lui a valu le surnom de Martin pêcheur, ou «l’oiseau coloré», en rapport avec une certaine coquetterie qu’il assume pleinement. Et la vie continue ainsi, régulière et paisible, dans une certaine monotonie qui n’est interrompue que par de rares fêtes, de village ou de famille, à l’occasion de mariages ou de baptêmes, et parfois, plus tristement, d’enterrements. Aujourd’hui ressemble à hier et demain n’apportera guère de surprise. Martin s’accommode très bien de sa situation en recherchant le bonheur dans de petits plaisirs simples et accessibles, qui se transforment en habitudes et dont il a choisi de jalonner sa vie d’adulte. En outre, son envie est de transmettre cette règle de vie à ses enfants, pour leur permettre d’être heureux à leur tour.

Nous l’avons compris, Martin ne vit pas aujourd’hui, mais plutôt il y a quelques siècles.

La condition de Martin était courante dans le temps, et la vie suivait son cours. Mais ce type de situation est devenu rarissime. Qui peut aujourd’hui prétendre à la continuité de son environnement pour les décennies à venir ? Les choses ont changé, le monde a évolué, et nous sommes doublement impliqués, en contribuant au changement, que nous avons collectivement désiré et engendré, et en le subissant. Nous sommes entraînés dans une sorte d’accélération du changement et devons nous y adapter et continuer à participer à l’évolution de la vie sur Terre.

L’objet du présent ouvrage est d’étudier des pistes en vue de vivre au mieux les bouleversements actuels en de nombreux domaines qui donnent à penser que nous sommes en train de vivre une véritable petite révolution, un changement de paradigme. Pour cela, nous prendrons régulièrement de la distance, comme en nous élevant au-dessus d’une forêt dense pour repérer notre chemin. Martin nous servira souvent de référence, pour prendre conscience de certaines évolutions en vue d’en imaginer la suite.

 

Incertitudes

Pour ses enfants, Martin imagine un monde meilleur dans lequel les progrès de la technique apporteront le confort et la sécurité. Il rêve de ne plus manquer de nourriture, d’avoir chaud toute l’année,  de ne plus trembler pour ses enfants face aux dangers des bêtes sauvages ou des maladies et de ne plus s’user les reins à devoir cultiver son potager et rentrer du bois pour ne pas mourir de froid l’hiver suivant.

Il y a bien longtemps que nous avons oublié ce type d’espoir qui était plutôt le lot commun. Martin ne disposait pas du confort qui est le notre actuellement. L’accès limité à l’eau courante ne permettait pas une hygiène telle que nous la connaissons et le quotidien était marqué d’inconfort. Les différentes vermines des maisons ont été oubliées aujourd’hui, mais les démangeaisons qu’elles entrainaient pourrissaient complètement le quotidien. Et que dire des douleurs dentaires, que nous n’acceptons plus aujourd’hui de devoir supporter plus de quelques jours, voire quelques heures. Ce n’est pas sans raison que les dentistes étaient surnommées les arracheurs de dents. Les dentitions d’antan n’avaient rien à voir avec celles d’aujourd’hui.

Telle était le lot commun à l’époque de Martin. Une vie emplie d’activités entraînants des joies et des peines, mais également des tracas et inconforts de toutes sortes, quasiment inimaginables de nos jours. On peut penser que dans la tête de Martin, les vies que nous menons, épurées de tous ces fardeaux, aurait dû immanquablement apporter le bonheur et la tranquillité.

Pourtant, ce n’est pas le cas. L’évolution de la société et l’avènement de la modernité se sont traduits par de nouvelles incertitudes engendrant une angoisse et un stress qui ne sont pas compensés par l’assouvissement de plaisirs dans une situation que Martin n’aurait même pas osé espérer.

Il faut dire que des questions dont on ne se souciait pas auparavant sont apparues. On croyait la Terre et la nature infinies et inépuisables et voici que leurs limites nous sautent au visage. Nous devenons trop nombreux et avons du mal à nous organiser pour garantir à tous l’accès aux ressources et nécessités fondamentales, alors que nous sommes dans une société de l’abondance. Les choses semblent aller trop vite et nous avons facilement le sentiment d’être totalement dépassés. Que ce soit au niveau écologique, démographique, économique, et même spirituel, l’espoir d’un monde meilleur a laissé place à l’angoisse de l’avenir. Or, nous touchons là une peur existentielle, dont l’impact psychologique est aussi réel et important que la peur des animaux sauvages de Martin.

Incertitude écologique

En s’organisant, l’être humain a créé le progrès. Il a cru domestiquer la nature pour la mettre à son service. Nous nous rendons compte aujourd’hui que nous avons fait fausse route, et qu’il nous faut reconsidérer notre approche. En utilisant abondamment les ressources naturelles comme si elles étaient infinies, nous découvrons leurs limites, ainsi que l’ampleur des conséquences de leur surexploitation massive. De grands sujets nous préoccupent et font l’objet d’une abondante communication médiatique. Le réchauffement climatique tient une grande place en ce domaine, mais il n’est pas seul. On peut citer le trou dans la couche d’Ozone, les pluies acides, les risques nucléaires et la question du traitement des déchets, la pollution de l’eau, de l’air, les nuisances sonores…

Si l’énumération des conséquences dommageables de notre impact écologique semble inépuisable, ce n’est pas le cas des ressources naturelles de la Terre. Il n’est pas nécessaire d’avoir fait de hautes études mathématiques pour réaliser qu’une croissance en accélération continue mais limitée par une valeur maximale, aussi éloignée soit-elle, finira un jour ou l’autre par l’atteindre. L’augmentation des performances des moyens d’exploitation des différentes ressources naturelles nous font aujourd’hui percevoir une limite qui n’était pas prise en considération auparavant. Pétrole, eau, minerais, surfaces agricoles, air, espace… Nous en prenons conscience de façon assez rude. L’homme est devenu la première cause de modification de l’atmosphère, de la lithosphère, de l’hydrosphère et de la biosphère. Il est possible de résumer cela en disant que nous sommes entrés depuis cent cinquante ans dans une nouvelle ère qui pourrait se nommer  l'anthropocène^[1].

Incertitude démographique

Pourtant, ce n’est pas la Terre qui a rétrécie. Simplement, nous sommes bien plus nombreux, et dans des proportions impressionnantes. Alors que la population a connu une faible croissance durant des milliers d'années, elle est en augmentation exponentielle depuis l’ère moderne, faisant passer le nombre de personnes vivant sur Terre d'environ 650 millions en 1750 à plus de 1,2 milliard un siècle plus tard et à plus de 2,5 milliards en 1950. Le cap de 6 milliards a été atteint en octobre 1999. Celui des 7 milliards a eu lieu officiellement le 31 octobre 2011. Cette augmentation de la population va continuer encore. Seulement, l’aspiration du plus grand nombre est d’accéder au mode de vie à l’américaine, avec du confort, de la facilité, et la très grande consommation des ressources qui lui est associée. Or, ce scenario n’est pas possible car il faudrait pour cela disposer de plusieurs planètes.  

Incertitude économique

Sur le plan économique également, il est difficile de savoir où nous allons. Allons-nous réussir à nourrir tout le monde, à produire et répartir les richesses primaires et secondaires sans créer de grandes disparités entrainant des tensions aux conséquences incertaines ? Avec l’augmentation des moyens techniques et des échanges internationaux, les équilibres économiques se modifient très rapidement. Les flux financiers parcourent la planète en permanence, dont une toute petite partie représente l’économie réelle (de l’ordre de 3%), qui elle-même, avec la montée des valeurs immatérielles, est en pleine mutation. Nous sommes tous devenus extrêmement interdépendants. La nourriture et les ressources ne sont plus produites localement, ce qui renforce cette dépendance et cette fragilité. Comme de nombreux systèmes, l’économie et la finances, par leur complexité, sont devenus des systèmes chaotiques, pouvant être affectés par l’effet papillon^[2].

Incertitude spirituelle

Les échelles de valeurs de Martin sont simples et stables. En partie basées sur le code d’honneur, sur les habitudes populaires et sur la religion, elles ont, à ses yeux, fait leurs preuves et sont indiscutables, comme gravées dans le marbre. Il les respecte au mieux et les transmets le plus fidèlement possible à ses enfants.

A l’époque de Martin, les valeurs spirituelles, principalement religieuses, étaient fortes et incontournables, sous peine de se marginaliser gravement. En grande partie basées sur des Credo, des écritures et d’autres valeurs semblant immuables, elles ne permettaient pas beaucoup de fantaisies, de libre arbitre ou d’indépendance de pensée. Dans le carcan de la pensée unique, le participant avait une attitude passive, dont il était difficile de sortir.

Cette attitude figée et passive n’a pas résisté à l’ère de la communication. Progressivement, et de plus en plus, l’être humain a remis en question ce qui lui était imposé et a élagué ce qui ne justifiait pas sa légitimité à ses yeux.  Se faisant, il s’est responsabilisé. Ce qui a été gardé est le résultat de choix, et le reste a été éliminé. Aujourd’hui, le peuple a déserté les églises. La morale et le sens de l’honneur sont des termes qui n’ont plus guère de signification dans une époque d’individualismes exacerbés. Ce mouvement s’est développé durant très longtemps, on peut parler de plusieurs générations, mais il s’est accéléré franchement depuis les différentes émancipations des années 70, dont les petits-enfants arrivent à l’âge adulte.

La nouvelle génération actuelle est constituée de jeunes dont beaucoup n’ont pas reçu d’éducation religieuse. Cela se traduit par une plus grande liberté, soit, mais également par un désert informationnel et une grande incertitude dans laquelle chacun doit retrouver sa propre échelle de valeurs.

Disparition des repères

En tant qu’être social, nous sommes extrêmement dépendants les uns des autres. Nous construisons notre identité en grande partie à travers le regard des autres, et donc la place que nous occupons dans la société, notre image sociale. Or, les ordres établis en ce domaine sont complètement bousculés. Beaucoup de métiers prestigieux d’antan ne le sont plus. Certains apparaissent subitement quand d’autres s’éteignent. Il n’y a pas si longtemps, les professions d’instituteur, d’ingénieur ou de comptable bénéficiaient d’une aura justifiant des sacrifices de la part de parents pour permettre à leurs enfants d’accéder aux études leur ouvrant les portes vers ces carrières.

Aujourd’hui, certains footballeurs gagnent des salaires astronomiques tandis que de nombreux diplômés de l’enseignement supérieur  essayent péniblement de trouver des emplois sous-qualifiés et sous-payés. Le diplôme, pas plus que l’expérience, ne garantit plus l’accès à une bonne situation. Dans d’autres lieux, le constat de pertes de repères est encore plus marqué. Ainsi, chez les esquimaux, les modifications climatiques ont un tel impact sur la banquise que la sagesse des anciens n’a plus aucune valeur. Ce qui était vrai dans le temps, et que seuls les plus expérimentés savaient observer, ne l’est plus aujourd’hui. Les comportements de la glace et des animaux changent avec le réchauffement climatique, et les anciens perdent alors leur prestige et leur autorité.

Prestige, autorité, tradition, code d’honneur, valeurs morales ou religieuses. Existe-il des espaces préservés de ces grands bouleversements actuels ? Le macho n’ayant plus la cote en amour, les hommes sont invités à développer leur coté féminin. Parallèlement, le monde des affaires en général, et de la finance en particulier, semblent porter en triomphe les valeurs les plus égoïstes et agressives. « Grid is good » (l’avidité est bonne) est un slogan de trader, parcourant telle une onde d’avidité les places boursières du monde entier.

Tout semble indiquer que nous assistons à la fin d’un monde.

La fin d’un monde

Et après tout, pourquoi ne pas le considérer ainsi ? Les media et différents courants d’idées ont largement insisté sur ce point pour 2012, la fin du calendrier Maya. D’autres évoquent l’astrologie, parlant de la fin de l’ère des poissons et le début de l’ère du verseau.  Mais pour aller vers quoi ? Pour prendre une image de la nature, si la chenille doit s’arrêter un instant pour permettre au papillon de se développer, qu’en est-il des restes de la chrysalide, de la partie morte accrochée à la branche, et quel rôle pouvons-nous jouer chacun individuellement ?

Cette métaphore de la chenille et du papillon donne le vertige et invite à se poser certaines questions. En effet, tout d’abord, constatons qu’elle n’est pas inappropriée pour la situation actuelle. Notre monde est en forte croissance dans de nombreux domaines, et on voit pointer les limites, ce qui génère des interrogations et quelques inquiétudes. Nous allons oser une comparaison entre l’humanité et une chenille. Imaginons un instant que nous soyons les cellules d’une chenille en fin de cycle, avant la mutation en papillon, ou d’une femme en fin de première grossesse. A mesure que l’évènement se rapproche, chrysalide dans un cas, accouchement dans l’autre, de nombreux indicateurs passent au rouge. La chenille ne peut plus manger ni se déplacer, elle se fixe à une branche et se retrouve prisonnière, entravée de fils empêchant ses mouvements. La future maman a d’abord vu son corps se modifier très profondément, d’une façon qui ne ressemble à rien de connu pour elle. Ce changement est survenu subtilement au début mais il s’est ensuite accéléré. Dans la toute dernière phase elle ressent de violentes douleurs. Une cellule de son corps ne pourrait pas « comprendre » ce qui se passe sur la base de ce qu’elle connaît, puisque c’est tout nouveau et qu’elle ne dispose d’aucun élément de comparaison pour appréhender ce phénomène. Et la naissance du papillon et du bébé créent une discontinuité qui apporte du nouveau, de la vie et un futur différent, sur un autre plan.

Les ruptures et discontinuités sont fréquentes dans la vie et l’univers. Ainsi, les étoiles terminent parfois leur existence en apothéose, explosant en super Novae. Celles-ci ensemencent ensuite l’univers avec les éléments atomiques lourds qu’elles ont créés en leur sein et qui n’existaient pas lors de la création initiale des galaxies, juste après le Big Bang. Alors que le cycle de vie de l’étoile aura duré des milliards d’années, les dernières phases se déroulent très rapidement et celle qui précède l’explosion se compte en fractions de secondes. Tout s’accélère sur la fin.

Cette accélération, cette impression que le temps raccourcit, est une expérience que nous sommes de plus en plus nombreux à vivre. Cela invite à se demander vers quoi nous nous dirigeons. Explosion, désintégration, naissance ou mort partielle, comme pour la chrysalide ou le placenta, le choix est ouvert pour l’esprit un tant soit peu vagabond.

Ces considérations nous entrainent vers les questions liées à l’existence, et à la survie en particulier. C’est un sujet qui peut être tout à fait anxiogène. En effet, dans plusieurs domaines, il semble nécessaire que nous passions d’un mode de croissance exponentielle à un mode régulier. Or, on peut constater que la nature fonctionne souvent par discontinuité, par crise, et c’est bien souvent également le cas pour l’humanité. Comment vivre dans ce monde en percevant un futur très incertain ? Après avoir tant travaillé pour s’assurer la garantie, dans les sociétés les plus avancées, des besoins primaires en termes de nourriture et de protection, nous nous retrouvons à nouveau en proie à un sentiment d’inquiétude pour l’avenir, mais cette fois-ci sur un niveau plus global. La peur nous rattrape, comme si elle était inhérente à la vie. Ceux qui pensent que la vie à un sens, qu’une intention gère l’univers, qu’on l’appelle dieu, le destin ou GOSC^[3], peuvent se demander si tout cela n’est pas prévu dans le but de nous obliger à vivre avec davantage de conscience.

Laissons un instant de coté ces considérations et revenons à notre sujet, en constatant simplement qu’il y a beaucoup de souffrance dans ce monde, y-compris dans les lieux les plus favorisés. Lorsqu’il y a souffrance, aller vers le mieux-être passe d’abord par la diminution de cette dernière. Cela ne peut pas se faire sans une identification précise de certaines de ses sources.

 

 

^[1]  Du grec Anthropos (Άνθρωπος) qui signifie « être humain ».  Cf Voyage dans l'anthropocène, Claude Lorius – Laurent Carpentier, Actes Sud, 2010

^[2] Petites causes, grands effets. Un système chaotique peut évoluer très différemment à partir de situations très proches. L’appellation « effet papillon » vient de l’énoncé de ce principe disant que le battement d’ailes d’un papillon peut (en théorie) provoquer un cyclone quelques jours plus tard de l’autre côté de la planète. Heureusement, ce n’est pas systématiquement le cas (pauvres papillons, de quoi on les accuse…).

^[3] Grand organisateur des synchronicités et des coïncidences, cf livre « l’éveil des consciences »

dernière mise à jour le 31 janvier 2023

La suite, + tard

 

^[1] Voir l’éveil des consciences, transition vers une nouvelle ère. Hervé Bellut, éditions Dangles 2012